Innover avec un concurrent ? Une pratique plutôt contre-intuitive d’innovation ouverte !
Invité à Angers pour donner une conférence sur le thème « Innovation ouverte : un nouveau modèle pour innover », j’ai eu l’occasion de découvrir une PME qui s’est lancée dans une démarche pour le moins assez peu répandue : la co-innovation avec un concurrent.
Cette forme d’innovation n’est évidemment pas la plus naturelle, bien au contraire. Difficile d’en faire une règle générale non plus.
Cette approche a cependant l’avantage de casser les modèles de pensée traditionnels : chacun à sa place, les alliés d’un côté, les ennemis de l’autre.
Notre nature humaine a en effet souvent tendance à nous encourager à rester dans des ‘statu quo’ et de voir le monde extérieur sous des formes bipolaires (et donc simplistes).
Dans la réflexion qu’un dirigeant de société peut avoir au moment de choisir une stratégie d’Innovation Ouverte, la question d’un dialogue avec un concurrent a une place intéressante.
Il est en effet fréquent que des concurrents affichés n’aient pas tout à fait la même stratégie ni les mêmes cibles de marché que sa propre entreprise.
Il peut alors être possible de distinguer des zones blanches de non-concurrence pour lesquelles un travail de collaboration pourrait s’effectuer, sans pour autant remettre en cause les marchés historiques des 2 entreprises.
L’exemple du pionnier
Procter & Gamble, pionnier sur la démarche d’Open innovation, a démontré qu’une collaboration avec un concurrent pouvait donner lieu à des bénéfices ‘Gagnant-Gagnant’ pour chacun des partenaires.
P&G s’est ainsi associé à son concurrent Clorox pour la commercialisation du produit Press n seal.
Ce produit est un emballage alimentaire qui se scelle sans outil, juste par contact. La technologie était à la base issue de la recherche de P&G sur les couches Pampers.
Procter & Gamble a vite senti l’intérêt commercial du produit mais ne souhaitait toutefois pas devenir un nouvel entrant sur ce marché.
A la place, les dirigeants de P&G ont décidé de s’allier avec un de leur plus gros concurrent -Clorox- déjà bien implanté sur le marché des emballages plastiques.
Le résultat est un produit développé et commercialisé par les 2 partenaires concurrents. Ceci leur a permis d’ajouter une nouvelle offre dans leur gamme et à moindre coût.
Les avantages de ce mode de collaboration : Indéniablement l’efficacité financière avec une diminution des coûts et des ressources humaines. On ne réinvente pas ce que le partenaire amène dans le projet. Chacun met à disposition ses meilleurs atouts.
Un secteur très à la pointe
Ce n’est pas un hasard si cette pratique se retrouve dans un secteur très concurrentiel : l’industrie automobile.
Le développement d’une nouvelle motorisation est ainsi une dépense colossale qui présente un besoin de compétences pointues dans de multiples domaines.
La qualification poussée est également un élément de difficulté supplémentaire. C’est ainsi que les grands constructeurs automobile ont ainsi décidé de ne plus développer tout seul leur technologie.
Révolution culturelle : le bloc moteur a toujours été vu comme l’élément le plus noble d’un véhicule. C’est donc un élément très important pour l’image d’un constructeur.
Ce n’est ainsi pas un hasard si jusqu’à encore très récemment, les constructeurs investissaient des sommes d’argent très importantes dans les épreuves de course automobile:
– Rally pour PSA, Ford…
– F1 pour Renault, BMW…
– Endurance pour Peugeot, Audi…(24 heures du Mans).
Le contexte économique a cependant changé. L’époque est désormais à la rationalisation des coûts.
Cette pression a fini par pousser les entreprises et dirigeants vers d’autres mode de réflexions.
C’est ainsi que Ford et Volkswagen collaborent depuis de nombreuses années sur des plateformes communes pour les monospaces notamment.
Côté français, PSA travaille avec BMW pour concevoir les blocs essence de nouvelle génération.
PSA collabore également avec Toyota pour les petits véhicules.
Très recemment BMW et PSA ont finalisé leur accord pour le développement des nouvelles technologies de motorisations : les véhicules hybrides.
Beaucoup de recherche reste en effet à faire sur ce nouveau marché très en vogue. Les constructeurs ont compris le gâchis à développer en interne chacun de son côté ces nouvelles technologies. Peu d’entreprises peuvent de plus se permettre ces investissements seuls, avec le risque de se retrouver face à une coalition qui aura su associer ses forces.
Et les PME dans tout ca ?
Ces approches ne sont pas interdites aux PME, bien au contraire.
Ces dernières sont en effet plus ouverte à la collaboration. Elles savent qu’elles n’ont pas toutes les ressources en interne, contrairement à un grand groupe qui peut avoir la tentation d’un EGO démesuré et souhaiterait tout développer en interne.
Un exemple très intéressant est la société IFTECH.
Société de 7 personnes travaillant sur de nouvelles formes de traitement biologique des végétaux, elle a su tisser des collaborations avec différents organismes pour favoriser son développement.
En plus de partenaires avec des universités et institutions, elle a décidé de faire un projet commun avec son plus grand concurrent : KOPPERT.
Un facteur 100 en taille sépare les 2 entreprises. Pour autant, elles ont pu travailler de façon intelligente pour développer ensemble un nouveau traitement de lutte contre un parasite des platanes.
Au final pour la PME : un doublement de son CA et de nouvelles opportunités de marchés.
Bien que la moins naturelle et certainement la plus difficile d’un point de vue psychologique à mener, ce mode de collaboration permet à des PME et grand groupes de se développer plus rapidement et à coûts réduits.
Toute l’ambition étant de trouver un accord gagnant -gagnant pour les 2 partenaires, ces derniers gardant leurs spécificités et marchés.
Certains lecteurs ont peut être également en tête d’autres exemple de partenariats entre concurrents ?
N’hésitez pas à nous laisser quelques lignes en commentaire pour alimenter le débat !
petit complément intéressant: http://www.openinnovation.eu/02-02-2012/6-leading-pharma-players-join-forces-to-beat-costs/
Je vois que P&G est bien habitué à collaborer avec ses concurents… jusqu’à ce qu’ils se fassent ratraper par les autorités de concurence.
Le concept de co-inovation est très bon et peut s’appliquer avec les concurents, l’exemple des blocs moteurs le prouve, mais je pense qu’il faut être vigilant face aux risque d’entente et cela meriterait d’être traité ici.
Quand je lis « Il peut alors être possible de distinguer des zones blanches de non-concurrence pour lesquelles un travail de collaboration pourrait s’effectuer, sans pour autant remettre en cause les marchés historiques des 2 entreprises. » Cela me fait un peu peur.