Le rapport de conjoncture 2009 du Quebec vient de sortir sa dernière étude consacrée à l’Innovation Partagée (‘Innovation Ouverte : enjeux et défis pour le Québec‘) , en la présentant comme une des grandes tendances actuelles observées dans le monde.
Le rapport commence par lister d’abords les avantages liés à l’adoption de l’Innovation Ouverte (ou partagée) :
« Les bénéfices sont nombreux pour les entreprises : accès plus large aux savoirs et aux savoir-faire, rapidité accrue des processus d’innovation, possibilité d’entreprendre des projets de recherche- développement prioritaires pour lesquels les ressources humaines et financières internes sont insuffisantes, meilleur partage des risques dans des marchés incertains en rapide évolution, création de grappes de savoirs réunissant une masse critique d’investissements et d’acteurs plus concurrentielle sur le plan international, réduction des coûts, raccourcissement des délais de mise en marché, etc. »
Les auteurs du rapport invitent le gouvernement québécois à mobiliser ses forces vives afin d’accentuer le virage vers les meilleures pratiques d’innovation.
Ce rapport propose une première réflexion exploratoire en identifiant une douzaine de défis que pose l’innovation ouverte avec néanmoins un certain nombre de pistes d’intervention qui permettront d’y faire face avec succès.
A- Pour la recherche publique :
1. Renforcer ou mettre en place des dispositifs de collaboration recherche publique/entreprises, souple set flexibles et permettant la participation effective des PME.
2. Créer un Forum de concertation sur la propriété intellectuelle ayant le mandat de faire des recommandations, particulièrement dans un contexte de collaboration public-privé.
Le rapport cite des problèmes fréquents concernant la Propriété intellectuelle lors des collaborations ainsi que la nécessité de changer de culture.
3. Soutenir davantage d’initiatives menées en partenariat avec l’entreprise à tous les cycles de formation et visant :
- la formation d’une main-d’œuvre hautement qualifiée et adéquatement préparée à l’innovation en entreprise;
- l’intégration rapide des diplômés en milieu de travail.
Trop peu de programmes de formation sont adaptés aux besoins d’innovation en entreprise, alors qu’il s’agit d’un des éléments déterminants de leur capacité d’innover.
B- Pour la recherche industrielle et l’innovation en entreprise
L’ouverture des processus d’innovation et des marchés de la connaissance offre de nombreuses occasions d’affaires aux entreprises dynamiques de moyenne taille (100-500 employés) notamment les entreprises de services à valeur ajoutée.
Toutefois, les auteurs précisent que cette ouverture les oblige à affronter des joueurs nettement plus puissants et à se prémunir contre le pillage des idées.
2 conseils sont formulés pour éviter ces problèmes.
4. Permettre aux PME performantes de s’intégrer davantage aux chaînes de valeur mondiales (ceci incluant notamment les entreprises de services à valeur ajoutée) :par un renforcement de leurs réseaux privilégiés;par un meilleur positionnement face aux grands donneurs d’ordres;par une capacité accrue de gestion de leurs processus d’innovation et de leur propriété intellectuelle.
5. Adapter les programmes de soutien à l’innovation dans les PME afin d’accélérer l’adoption de pratiques d’innovation et de réseautage par les plus petites d’entre elles, en les aidant à se donner, par exemple, des structures communes de formation et de commercialisation là où cela s’avère efficace.
Le cas des des plus petites entreprises (50-100 employés) est majeur : elles composent 90 % de la structure industrielle québécoise mais sont encore loin d’avoir opté pour l’innovation.
6. Créer des programmes incitatifs visant à développer les marchés publics et ceux des grands utilisateurs comme moteurs de l’innovation (soutien à la demande) et à faciliter la mise en place de vitrines technologiques (visibilité auprès des clients internationaux).
Dans les secteurs réglementés, comme les technologies de la santé ou les technologies environnementales, les processus de démonstration sont plus longs et peuvent être facilités par un partenariat avec les grands utilisateurs privés et publics (rôle de vitrine technologique et de tremplin commercial).
Le rapport cite l’intérêt à un partenariat des secteurs public et parapublic (lead users) pour constituer un levier d’intervention.
7. Renforcer le soutien à l’entrepreneuriat, tant dans les programmes d’enseignement que dans le soutien aux futurs et aux nouveaux dirigeants d’entreprise.
La création d’entreprises et l’entrepreneuriat sont traditionnellement considérés comme l’un des principaux moteurs de l’innovation et les auteurs de citer que « La place que le Québec sera en mesure de se tailler dans un système d’innovation de plus en plus ouvert sur le monde repose en très grande partie sur la préparation d’une relève entrepreneuriale dynamique, sensible aux préoccupations sociales et capable de faire face à une très forte compétition; »
C- Valorisation, transfert et intermédiation
Les organismes d’intermédiation sont reconnus comme étant d’importants agents de connexion entre les différents acteurs de l’Innovation.
8. Développer des incitatifs au fonctionnement en réseau des organismes d’intermédiation (centres collégiaux de transfert de technologie, centres de liaison et de transfert, associations et réseaux sectoriels ou régionaux, sociétés de valorisation, etc.)
9. Évaluer régulièrement la performance d’ensemble des organismes d’intermédiation et leur mode de financement au regard de leur contribution à l’adoption des meilleures pratiques d’innovation ouverte dans les entreprises.
D- Culture citoyenne de l’innovation et gouvernance
10. Favoriser les approches qui permettent aux citoyens et aux usagers de jouer un rôle plus actif dans la création et la diffusion des connaissances et des produits.
« L’ouverture des processus d’innovation offre l’occasion d’expérimenter de nouvelles approches originales et davantage participatives autour de grands problèmes sociaux, comme les laboratoires vivants (living labs), qui permettent aux utilisateurs et aux citoyens d’y prendre une part active. »
Le gouvernement est appelé à encourager ces approches d’innovation dynamiques en adaptant ses politiques publiques et ses moyens d’interventions.
11. Adapter les modalités de gouvernance dans l’ensemble des milieux (l’État, le milieu de la recherche, les entreprises, les organismes d’intermédiation, le monde de la culture scientifique, celui de la société civile, etc. ) pour qu’elles soient plus participatives dans la détermination des orientations et des priorités de recherche.
Le rapport s’appuie sur des expériences étrangères montrant que l’élargissement de la participation à une diversité d’acteurs permet de construire une intelligence stratégique partagée et très mobilisatrice.
12. Mettre au point des indicateurs adéquats afin de pouvoir porter un jugement éclairé sur l’efficacité de l’ensemble du système d’innovation.
13. Adapter les mécanismes de reconnaissance des chercheurs pour inclure leur participation active à la vulgarisation, aux recherches collaboratives et aux autres pratiques reliées à l’innovation ouverte (transferts, partenariats…).
Le rapport propose ainsi que les chercheurs soient également évalués et promus en fonction de leur participation dans des activités de recherche collaborative.
Conclusion
On retiendra l’importance de l’adoption rapide d’une démarche d’Innovation Ouverte pour les entreprises du Quebec.
Cette adoption est encouragée pour les avantages compétitifs qu’une telle démarche peut engendrer.
Le rapport cite une douzaine de mesures susceptibles d’aider à la transition vers ce nouveau modèle d’innovation.
Les 4 grands acteurs concernés par l’Innovation Partagée sont la recherche publique, l’industrie, les organismes d’intermédiation et enfin la société et le gouvernement.
On pourra noter un chapitre complet consacré à l’innovation sociétale avec la révolution culturelle qu’apporte l’innovation ouverte lorsqu’elle est appliquée au niveau d’un état.
Parmi les avantages notés, on retrouve le fait de donner la parole aux acteurs de terrains et usagers, dont l’expérience et connaissance permet de déboucher sur des idées nouvelles plus pratiques et plus robustes.
Le rapport apporte des idées intéressantes mais il me semble que les acteurs quels qu’ils soient doivent être motivés. Par exemple un chercheur à qui l’on impose un sujet voit sa motivation diminuer d’environ 50% en général. Pour éviter cet écueil il me semble préférable soit que le chercheur propose un sujet qu’il argumente, soit qu’il puisse choisir parmi plusieurs sujets. S’il participe à l’élaboration des priorités sa motivation est normalement acquise.
Les interfaces recherche public-entreprise sont aussi très importantes car elles peuvent aussi bien accélérer l’adhésion au projet commun comme le bloquer. Dans tous les cas la transparence est un facteur clé de la réussite à mettre en avant dès la première rencontre.
Attention aussi aux personnes choisis pour favoriser une dynamique d’innovation elles doivent être animées par l’esprit d’entreprise et de l’intérêt commun et non de fonctionnaire.
L’introduction du client final dans la démarche d’innovation semble aller de soi mais va sûrement provoquer des réticences car les entreprises, les chercheurs, les organismes intermédiaires et même l’état vont devoir changer d’approche pour réellement faire de l’innovation participative.